mercredi 3 mai 2017

La responsabilité pénale du sportif

Cʼest une information qui est sans doute passée un peu trop inaperçue dans le milieu du hockey français. En Suède, le Ministère Public a décidé dʼengager des poursuites pénales à l'encontre dʼun joueur pour avoir frappé un adversaire avec sa crosse lors dʼun match de championnat *. Si une telle telle situation reste rare en France, elle vient néanmoins rappeler à tous les sportifs que leur pratique, tant professionnelle quʼamateur, reste soumise aux règles générales du droit pénal. Quelles en sont les répercussions possibles dans un sport de contact comme le hockey sur glace ?


La loi française interdit et réprime toute violence physique, quʼelles soient intentionnelles ou non. Les circonstances de leur commission et la qualité de la victime peuvent dʼailleurs constituer des circonstances aggravantes. Cʼest notamment le cas de violences commises dans un cadre sportif lorsquʼelles concernent un arbitre ou des supporters.

Mais cʼest aussi vrai pour des joueurs dans leur strict pratique sportive. Les atteintes à lʼintégrité physique, même commises durant une compétition sportive peuvent déboucher sur des poursuites pénales. A ainsi été jugé que commet le délit de violences volontaires le joueur qui, voulant empêcher son adversaire de s'emparer du ballon, ne fait pas l'effort de jouer le ballon mais lui adresse directement une « poire » et le blesse sérieusement à l'oeil gauche et à la face (Tribunal Correctionnel, Toulouse, 15 oct. 1998, n° 1370/98).

Lʼincursion du droit pénal dans le sport vise dʼailleurs tant les actes volontaires que les actes involontaires puisque la loi réprime la mise en danger délibérée d’autrui ainsi que la faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité (article 121-3 du Code pénal).

Cʼest sur ce fondement de la violation dʼune obligation élémentaire de prudence quʼa notamment été retenue la responsabilité pénale dʼun skieur amont qui, alors qu'il descendait une piste rapide croisant une piste en pente douce, n'a pas pris toutes les précautions utiles pour éviter la collision et a percuté un autre skieur (Cour Appel, Grenoble, 17 mai 2000, n° 99. 01162).

Les critères dʼappréciation

Engager des poursuites et condamner pénalement un sportif sont des décisions qui relèvent de l'appréciation souveraine de magistrats, qui demeurent dʼailleurs indépendantes dʼune éventuelle procédure disciplinaire. La faute sportive, sanctionnée par les arbitres au cours dʼune compétition, ne se double pas a priori dʼune faute pénale. Telle nʼest pas le cas pour la faute éthique qui correspond à un manquement caractérisé aux règles de bonne conduite qui s'imposent aux participants afin que la pratique sportive ne dégénère pas en brutalités, violences ou agressions.

La nature de lʼactivité sportive est aussi un critère à prendre en compte puisque, dans un sport où le contact physique volontaire est autorisé, un comportement qui serait qualifié de violences en dehors du contexte sportif ne donnera pas lieu à des poursuites pénales. Enfin, lʼampleur du préjudice subi par la victime est également prise en compte pour justifier des poursuites pénales.

Cette appréciation peut dʼailleurs amener une juridiction à porter une appréciation sur lʼopportunité du geste technique accompli par le sportif. A ainsi été condamné un gardien de but pour avoir donné délibérément un coup de pied dans les jambes d'un attaquant pour éviter un but alors qu'il aurait pu tenter de bloquer le ballon qui se trouvait en amont du joueur adverse (Cour de Cassation, 12 mars 2003, n° 02-84149).

Une incidence sur le comportement des joueurs ?

Lorsquʼil évoque son sport favori avec un non-initié, quel fan de hockey ne sʼest pas entendu répondre, en France tout du moins, «ah ce sport où il y a tout le temps des bagarres» Si cette affirmation est largement exagérée, force est de reconnaître quʼil nʼest toutefois pas rare, notamment dans des matches à enjeux importants, que des joueurs se laissent aller, même pendant des arrêts de jeux, à des actes violents (mise en échecs particulièrement appuyées, protection du gardien lors de phases dʼinfériorité numériques, intimidation lors dʼarrêts de jeux...).

Dʼun strict point de vue juridique, ces actes pourraient constituer des infractions amenant son auteur à en répondre devant une juridiction pénale. De telles procédures seraient dʼautant plus aisées que la multiplication des images de matchs et de leur diffusion permettent de disposer facilement dʼéléments de preuves.

Si lʼobjectif de protection de lʼintégrité physique des joueurs apparaît légitime, il faut souhaiter que lʼapplication du droit pénal aux phases de jeu reste limitée au risque de dénaturer les sports autorisant un contact physique entre leurs pratiquants.

* Quand un juge remplace un arbitre, Libération, 6 février 2017 


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