Cʼest une information qui est sans doute passée un peu trop
inaperçue dans le milieu du hockey français. En Suède, le Ministère Public a décidé
dʼengager des poursuites pénales à l'encontre dʼun joueur pour avoir frappé un adversaire
avec sa crosse lors dʼun match de championnat *. Si une telle telle situation reste rare en
France, elle vient néanmoins rappeler à tous les sportifs que leur pratique, tant
professionnelle quʼamateur, reste soumise aux règles générales du droit pénal. Quelles en
sont les répercussions possibles dans un sport de contact comme le hockey sur glace ?
La loi française interdit et réprime toute violence physique, quʼelles soient intentionnelles
ou non. Les circonstances de leur commission et la qualité de la victime peuvent dʼailleurs
constituer des circonstances aggravantes. Cʼest notamment le cas de violences commises
dans un cadre sportif lorsquʼelles concernent un arbitre ou des supporters.
Mais cʼest aussi vrai pour des joueurs dans leur strict pratique sportive. Les atteintes à
lʼintégrité physique, même commises durant une compétition sportive peuvent déboucher
sur des poursuites pénales. A ainsi été jugé que commet le délit de violences volontaires
le joueur qui, voulant empêcher son adversaire de s'emparer du ballon, ne fait pas l'effort
de jouer le ballon mais lui adresse directement une « poire » et le blesse sérieusement à
l'oeil gauche et à la face (Tribunal Correctionnel, Toulouse, 15 oct. 1998, n° 1370/98).
Lʼincursion du droit pénal dans le sport vise dʼailleurs tant les actes volontaires que les
actes involontaires puisque la loi réprime la mise en danger délibérée d’autrui ainsi que la
faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité (article 121-3 du Code pénal).
Cʼest sur ce fondement de la violation dʼune obligation élémentaire de prudence quʼa
notamment été retenue la responsabilité pénale dʼun skieur amont qui, alors qu'il
descendait une piste rapide croisant une piste en pente douce, n'a pas pris toutes les
précautions utiles pour éviter la collision et a percuté un autre skieur (Cour Appel,
Grenoble, 17 mai 2000, n° 99. 01162).
Les critères dʼappréciation
Engager des poursuites et condamner pénalement un sportif sont des décisions qui
relèvent de l'appréciation souveraine de magistrats, qui demeurent dʼailleurs
indépendantes dʼune éventuelle procédure disciplinaire. La faute sportive, sanctionnée par
les arbitres au cours dʼune compétition, ne se double pas a priori dʼune faute pénale. Telle nʼest pas le cas pour la faute éthique qui correspond à un manquement caractérisé aux
règles de bonne conduite qui s'imposent aux participants afin que la pratique sportive ne
dégénère pas en brutalités, violences ou agressions.
La nature de lʼactivité sportive est aussi un critère à prendre en compte puisque, dans un
sport où le contact physique volontaire est autorisé, un comportement qui serait qualifié de
violences en dehors du contexte sportif ne donnera pas lieu à des poursuites pénales. Enfin, lʼampleur du préjudice subi par la victime est également prise en compte pour
justifier des poursuites pénales.
Cette appréciation peut dʼailleurs amener une juridiction à porter une appréciation sur
lʼopportunité du geste technique accompli par le sportif. A ainsi été condamné un gardien
de but pour avoir donné délibérément un coup de pied dans les jambes d'un attaquant
pour éviter un but alors qu'il aurait pu tenter de bloquer le ballon qui se trouvait en amont
du joueur adverse (Cour de Cassation, 12 mars 2003, n° 02-84149).
Une incidence sur le comportement des joueurs ?
Lorsquʼil évoque son sport favori avec un non-initié, quel fan de hockey ne sʼest pas
entendu répondre, en France tout du moins, «ah ce sport où il y a tout le temps des
bagarres» ? Si cette affirmation est largement exagérée, force est de reconnaître quʼil nʼest toutefois
pas rare, notamment dans des matches à enjeux importants, que des joueurs se laissent
aller, même pendant des arrêts de jeux, à des actes violents (mise en échecs
particulièrement appuyées, protection du gardien lors de phases dʼinfériorité numériques,
intimidation lors dʼarrêts de jeux...).
Dʼun strict point de vue juridique, ces actes pourraient constituer des infractions amenant
son auteur à en répondre devant une juridiction pénale. De telles procédures seraient
dʼautant plus aisées que la multiplication des images de matchs et de leur diffusion
permettent de disposer facilement dʼéléments de preuves.
Si lʼobjectif de protection de lʼintégrité physique des joueurs apparaît légitime, il faut
souhaiter que lʼapplication du droit pénal aux phases de jeu reste limitée au risque de
dénaturer les sports autorisant un contact physique entre leurs pratiquants.
* Quand un juge remplace un arbitre, Libération, 6 février 2017
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