vendredi 20 janvier 2017

Les repentis du dopage

Titulaires d’un palmarès impressionnant, Lance Armstrong et Marion Jones sont des figures emblématiques de sportifs qui ont avoué leur recours systématique au dopage pour améliorer leurs performances.

Comme d’autres sportifs, évoluant parfois dans des disciplines moins médiatiques et à des niveaux inférieurs, ces compétiteurs ont commencé par nier les faits de dopage reprochés. Confrontés à des preuves qui se sont avérées incontestables, ils les ont finalement reconnu tant publiquement que devant les instances disciplinaires et judiciaires. 

Si, d’un point de vue éthique, on peut se réjouir d’un tel comportement, ce revirement doit aussi s’apprécier au regard des effets juridiques qui peuvent y être attachés, notamment en droit français.

Destinée à garantir l’équité et l’image des compétitions sportives, la lutte contre le dopage se fait grâce à des moyens diversifiés. Contrôles inopinés lors d’entraînement ou de compétitions et vérifications de la réalité de l’agenda des sportifs en sont deux exemples significatifs. Afin de palier des moyens qui sont souvent jugés insuffisants, cette lutte cherche aussi à s’appuyer sur les sportifs eux-mêmes ou, plutôt, sur des sportifs ayant déjà eu recours au dopage, les « repentis ».

A l’instar de ce qui s’applique en droit pénal français où les peines prononcées peuvent être réduites, voire supprimées, en cas de coopération avec les autorités judiciaires, l’article L 232-23-3-2 du Code du Sport prévoit que « L'Agence française de lutte contre le dopage peut (…) assortir une sanction d'un sursis à exécution lorsque la personne a fourni une aide substantielle permettant d'éviter qu'il ne soit contrevenu aux dispositions du présent chapitre (relatif à la réglementation en matière de dopage) ou d'identifier des personnes contrevenant ou tentant de contrevenir aux dispositions du présent chapitre ou de faire cesser un manquement aux dispositions du présent chapitre ». 

Alors que leur carrière est souvent brève, les sportifs reconnus coupables de dopage sont régulièrement sanctionnés par des périodes de suspension à même d’enrayer voire de stopper leurs performances.

L’intérêt d’une telle mesure apparaît évident pour le sportif ayant enfreint la réglementation en matière de dopage puisqu’il bénéficie d’une forme de « clémence ». Bien que coupable, il peut alors poursuivre son activité sportive.

Une aide substantielle appréciée de manière stricte

Pour bénéficier de cette mesure, encore faut-il que cette aide soit précise et vérifiable. C’est ce que vient d’indiquer le Conseil d’Etat dans un arrêt du 23 décembre 2016 (Conseil d’Etat, 23 décembre 2016, n° 399.728).

Lors d’une audience devant l’Agence Française de Lutte contre le Dopage, la sportive sanctionnée avait explicitement désigné son fournisseur de produits dopants en indiquant son surnom et son numéro de téléphone portable. 

La plus haute juridiction administrative française a pourtant validé l’analyse selon laquelle ces éléments ne constituaient pas une aide substantielle « en raison de leur nature et de leur imprécision ».

On peut dès lors se demander quel type d’infirmation pourrait constituer une véritable aide substantielle à même de justifier l’octroi d’un sursis à exécution de la sanction prise.

En effet, en raison de la nature forcément clandestine de la vente et de la prise de produits dopants, il est peu probable que des informations extrêmement précises puissent être divulguées.

En vigueur depuis une ordonnance du 30 septembre 2015 prise pour assurer le respect des principes du code mondial antidopage, la portée et la nature de cette disposition  récente seront certainement précisées par la jurisprudence.

Une trop grande rigueur dans la définition de l’aide substantielle risquerait toutefois de la priver d’effet concret et de dissuader les sportifs de contribuer par ce biais à la lutte contre le dopage.

Délation ou coopération ?

Si, au regard des enjeux, la rigueur d’appréciation de cette aide substantielle peut se comprendre, les sportifs concernés se retrouvent confrontés à un choix important pour tenter de bénéficier d’un sursis à exécution de leur sanction.

Ce choix ne semble d’ailleurs pas permettre la demi-mesure : soit son silence amène le sportif à assumer seul sa sanction, soit son aide substantielle doit être précise, vérifiable et contribuer véritablement à la lutte contre le dopage. Quel que soit le choix effectué, il peut être lourd de conséquences tant sur le plan sportif que personnel.

Faut-il, au regard de la légitimité de l’objectif poursuivi, se féliciter de l’existence et de l’application d’une telle disposition ? A chacun de se faire sa propre idée…

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